
Ophtalmos, opticiens, à quand une filière une et indivisible ?
L’année passée, le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) a saisi le Conseil d’État pour amender le décret sur l’adaptation de la primo-prescription par les opticiens. Les sages du Conseil d’État ont récemment donné raison aux ophtalmologistes. Un revirement étonnant quand on sait que le décret en vigueur depuis l’été dernier avait suscité peu de réactions et semblait satisfaire les porteurs. D’autant que le nombre d’ophtalmologistes continue de reculer : ils étaient 4 705 en 2023 et 4 691 en janvier 2024. Face à eux, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) a recensé 44 238 opticiens au 1er janvier 2024 (42 339 en 2023) répartis dans 13 300 magasins d’optique. Un poids démographique réel et un maillage territorial qui devraient participer à la problématique des déserts médicaux qui concernent aussi l’optique.
Selon la société d’études Pro-Conso France, les opticiens ont su installer une relation de confiance avec les Français ; une enquête nationale réalisée en mai 2021 « témoigne de l’enthousiasme des consommateurs à distinguer leur opticien pour sa qualité et son engagement ». Opticien chez qui ils vont s’équiper quand le besoin s’impose avec une ordonnance dûment signée par un ophtalmo, cela va sans dire. Pour rappel, en France, 7 personnes sur 10 portent des lunettes toutes corrections confondues. Pourquoi marginaliser les opticiens dans le parcours de soins visuels alors que le nombre de porteurs est patent ? Pourquoi les exclure, ainsi que les optométristes, des conférences scientifiques du congrès organisé par la Société Française d’Ophtalmologie qui s’est tenu les 10, 11 et 12 mai derniers ? Une forme d’indifférence qui n’a pas empêché les organisateurs de louer des stands à des enseignes nationales d’opticiens…
À quand une filière une et indivisible (qui respecte les différences) pour partager les savoir-faire et les bonnes pratiques, former tous les professionnels engagés et aborder la santé visuelle sous l’angle des porteurs, pas des corporatistes ? Faut-il rappeler que c’est le pouvoir de l’économie qui permet d’accéder à la santé, laquelle passe aussi par le commerce et pas uniquement par les cabinets médicaux… Les mentalités évoluent avec une délégation de tâches promue depuis longtemps déjà par des professionnels comme le Dr Mehdi Cherif qui s’exprimait dans Le Journal du Dimanche du 11 mai : « Pour répondre à la demande des patients, même dans les secteurs ruraux éloignés, nous avons créé six cabinets secondaires (…) animés par une vingtaine d’auxiliaires médicaux diplômés d’une école d’orthoptiste, de niveau bac+3. » Une initiative soutenue par le Dr Vincent Dedes, président du SNOF : « Elle est très représentative de la profession ; 85 % des ophtalmos travaillent désormais en équipe avec des orthoptistes, des infirmiers et même des opticiens ». Un changement de braquet et une évolution sensible où les opticiens se font une (petite) place dans un écosystème médical global avec des professionnels aux compétences complémentaires. « Nous sommes très en avance et l’une des spécialités médicales les plus accessibles », souligne Vincent Dedes toujours dans le JDD. À tel point que le délai d’obtention d’un rendez-vous non urgent chez un ophtalmologiste serait passé de 66 à 19 jours.
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